Aller au contenu principalAller à la recherche

Pauvres Créatures, le nouveau sommet de la carrière d’Emma Stone

Posté par Alexis Lebrun le 1 octobre 2024

Considérée à juste titre comme l’une des toutes meilleures actrices en activité, la nouvelle favorite de Yórgos Lánthimos a remporté un deuxième Oscar grâce à sa performance hallucinante dans Pauvres Créatures, l’un des films les plus singuliers sortis cette année.

Frankenstein n’a qu’à bien se tenir

Si vous avez suivi la dernière cérémonie des Oscars sur CANAL+, vous vous souvenez peut-être de cette scène devenue virale. Lorsque Michelle Yeoh annonce que la statuette de la meilleure actrice lui revient, Emma Stone semble choquée et comme gênée de coiffer au poteau la grande favorite, Lily Gladstone pour KILLERS OF THE FLOWERS MOON (Martin Scorsese, 2023).

Mais en réalité, ce deuxième Oscar après celui remporté pour LA LA LAND (Damien Chazelle, 2016) n’a rien d’un hold-up, tant Emma Stone repousse les limites du jeu dans PAUVRES CRÉATURES. La Bella Baxter qu’elle y incarne est une femme-enfant au sens propre, puisqu’un savant fou (joué par un Willem Dafoe aussi ambigu que maquillé) de l’époque victorienne a récupéré le corps d’une femme enceinte suicidée pour lui greffer le cerveau de son bébé, avant de la réanimer.

Une héroïne libérée

Cette idée tordue – adaptée du roman éponyme d’Alasdair Gray – marque le début du voyage de Bella et de son âme d’enfant coincée dans un corps d’adulte. Frustrée par son enfermement dans le labo de son créateur, elle décide rapidement de mettre les voiles pour voir le monde, en compagnie d’un vieux beau (Mark Ruffalo, toujours brillantissime) avec qui elle découvre les plaisirs de la chair.

N’ayant aucun filtre, Bella suit son désir librement sans jamais se préoccuper du regard de la société ni ressentir de honte. Son odyssée initiatique à travers les pays – de Lisbonne à Alexandrie en passant par un bordel à Paris – est l’histoire d’une émancipation féminine qui refuse de se conformer aux attentes des hommes et à leur soif de contrôle.

Emma Stone profite de ce rôle assez unique pour se lâcher complètement – à l’image des nombreuses scènes de sexe, d’une drôlerie souvent grinçante –, et la palette de jeu avec laquelle elle fait grandir son personnage pendant près de 2h30 est tout simplement ahurissante.

Le triomphe d’un univers baroque

Mais elle n’est pas le seul atout de PAUVRES CRÉATURES. Cinéaste déjà réputé pour sa patte visuelle très appuyée (LA FAVORITE en 2018, déjà avec Emma Stone), Yórgos Lánthimos pousse ici tous les curseurs à fond sur la forme, en filmant des décors (en studio) et des costumes baroques complètement déments – et logiquement primés aux Oscars – qui évoquent le fameux DRACULA de Francis Ford Coppola (1992).

Le réalisateur grec ne peut pas s’empêcher non plus de recourir abondamment à certains gimmicks visuels comme l’effet fisheye, qui accentue la dimension surréaliste de cet objet filmique difficilement identifiable, mais qui a triomphé aux Golden Globes et aux BAFTA aussi.

PAUVRES CRÉATURES prouve donc aussi que Yórgos Lánthimos peut désormais faire quasiment ce qu’il veut à Hollywood, ce que son dernier film tout aussi allumé – KINDS OF KINDNESS (2024) – a encore rappelé, rapportant au passage un prix d’interprétation masculine à Jesse Plemons au dernier Festival de Cannes.

PAUVRES CRÉATURES, disponible sur CANAL+.