C'est quoi cette série déjantée sur Lagerfeld ?
Projetée hors compétition au dernier festival CANNESERIES, cette grosse production Gaumont pour Disney+ s’intéresse à l’ascension du célèbre styliste allemand dans les années 1970. Une reconstitution flamboyante qui place Becoming Karl Lagerfeld dans le haut du panier des séries sur les grands couturiers.
Cinq ans après sa mort en 2019, il n’en finit pas de fasciner. Après la série documentaire Karl Lagerfeld : Révélation il y a quelques mois sur CANAL+, voici l’adaptation en fiction de Kaiser Karl (2019), le livre de la journaliste du Monde Raphaëlle Bacqué, qui tentait de percer le mystère derrière les fameuses lunettes noires et le catogan.
Becoming Karl Lagerfeld porte très bien son nom : on y suit un homme qui tente de se faire un nom dans une période dominée par Yves Saint Laurent. Nous sommes au début des années 1970, et Karl Lagerfeld est alors un parfait inconnu pour le grand public, puisqu’il est un mercenaire qui vend ses talents de styliste à droite et à gauche en restant dans l’anonymat. Mais sa rencontre avec un certain Jacques de Bascher (Théodore Pellerin, vu récemment dans Franklin) change tout.
Le séduisant mondain lui transmet son ambition dévorante, et Karl Lagerfeld ose enfin se confronter à son ancien ami YSL (Arnaud Valois) et à son ennemi Pierre Bergé (Alex Lutz), en rejoignant la maison Chloé de Gaby Aghion (Agnès Jaoui).
Mais quiconque a déjà vu un des biopics sur Yves Saint Laurent sait que Jacques de Bascher va créer de sérieux remous au milieu de tous ces personnages, qui mélangent amour, amitié et travail sur fond de batailles d’ego et de trahisons rentrées dans l’histoire de la mode française.
Cette matière romanesque est évidemment du pain béni pour la série, qui peut s’appuyer en outre sur la folie hédoniste de cette décennie 70’s très « sex, drugs & rock’n’roll », avec une bande-son qui donne le ton dès le premier épisode, puisqu’on y entend notamment David Bowie, Diana Ross ou encore les Rolling Stones.
La reconstitution des fêtes de l’époque en met certes plein les mirettes, mais c’est l’intimité de Karl Lagerfeld qui passionne le plus ici : remarquable – comme très souvent – dans le rôle principal, Daniel Brühl confère une forme d’autorité un peu rentrée à son rôle, rappelant à cette occasion qu’avant d’être une star exubérante de la mode, Karl Lagerfeld a été un homme quarantenaire frustré par sa carrière et particulièrement réservé en public – il vivait alors avec sa vieille mère et fuyait les défilés de la concurrence comme l’alcool et toute fumée.
En optant optant pour un acteur allemand (L’Aliéniste, Falcon et le Soldat de l’Hiver) connu pour sa maîtrise du français, plutôt que pour un anglo-saxon, la série a fait le meilleur choix possible : celui de l’authenticité.
Et comme Arnaud Valois (120 battements par minute) est méconnaissable mais convaincant en Yves Saint Laurent – passer après Pierre Niney et Gaspard Ulliel n’est pas exactement un cadeau –, et que l’on croise aussi dans la série une ribambelle de personnalités savoureuses de la pop culture de l’époque – de Marlene Dietrich à Andy Warhol –, Becoming Karl Lagerfeld n’a vraiment pas à rougir face aux productions internationales récentes comme The New Look (Apple TV+), Halston (Netflix) et Cristóbal Balenciaga (Disney+).
Becoming Karl Lagerfeld épisodes 1 à 6 le 7 juin sur Disney+, disponible avec CANAL+.