L’AMOUR FLOU, la série qui fait disjoncter la vie de famille
Après un premier film, le couple Romane Bohringer et Philippe Rebbot se remet en scène. On a jamais vu de famille aussi drôle et frappadingue.
C’était un film à succès en 2018, c’est désormais une série, et ce sont surtout toutes nos vies urbaines qui défilent par petites touches. Celles de parents hilarants et foutraques, bobos sans le sou, d’enfants plus équilibrés que leurs géniteurs, mais aussi la routine des citadins : l’accompagnement à l’école le matin, le café sur le pouce, l’heure de respiration à la piscine, les devoirs de math impossibles à faire, sans oublier le rendez-vous chez le banquier afin de débloquer la carte de crédit épuisée par un trop plein de dépenses… Le tout interprété par une vraie famille, celle de Romane Bohringer et de Philippe Rebbot, les acteurs et la réalisatrice de la série qui, comme leurs deux enfants, jouent à l’écran leur propre rôle. Avec cette première saison de neuf épisodes, "L’amour flou" réussit ainsi non seulement à prolonger le long-métrage du même nom mais aussi à installer une nouvelle narration avec, en son centre, cette question fondamentale : comment l’étrange association entre ce comédien dilettante de 56 ans et une actrice renommée, césarisée pour Les Nuits Fauves, peut-elle encore tenir le coup ? Puisque, rappelons-le, après leur séparation bien réelle au bout de dix ans de vie commune, ils ont décidé de ne plus vivre ensemble mais côte à côte. En effet, ils habitent désormais dans un « sépartement » à Montreuil soit dans deux appartements contigus reliés ensemble par la chambre des enfants. Les voilà donc, séparés mais proches, pas ensemble puisque chacun est libre de vivre sa vie mais à quelques mètres l’un de l’autre quand même.
Il est 7 heures du matin et Philippe avec son look de grand dadet jamais passé dans le monde adulte écoute « Les paumés du petit matin » de Jacques Brel, un verre à la main et la larme à l’œil. Tout va bien, il est dans sa partie du « sépartement ». Sauf que Romane y fait une entrée fracassante : « Aère ! Ça sent la beuh et le chien, on dirait la godasse d’un ado ! ». Le ton est donné, au cours de chaque épisode, les répliques vont fuser et n’épargneront personne, et surtout pas ceux qui balancent les punchlines. Romane a 47 ans, elle a des problèmes de fric et elle se sent seule avec « la gueule qui tombe », Philippe, lui, ne fait rien de ses journées, il fume des joints et consulte un addictologue en raison de sa propension à boire dès le matin : « Quand il me prend dans ses bars, je vois la vie en rosé » dit-il en parodiant Edith Piaf. Sauf que malgré les apparences, ces deux losers redoublent d’énergie pour se sortir des ornières ou pour en trouver une nouvelle où patauger. Romane flashe ainsi sur un des médecins de l’hôpital où son propre père (Richard Bohringer donc) séjourne, tandis que Philippe entreprend de draguer la députée Clémentine Autain (qui elle aussi joue son propre rôle) au côté de qui il décide de militer. Dès lors, l’équilibre déjà précaire du non-couple menace un peu plus d’exploser et l’on se délecte des situations abracadabrantes dans lesquels Romane et Philippe s’enfoncent.
Cela ressemble à du théâtre de boulevard mais sous LSD. On pense notamment à la folie des comédies des frères Farrely (Mary à Tout Prix, 1998), de Judd Appatow (Crazy Amy 2015) ou encore à Billy Wilder (La Garçonnière, 1960) pour la sympathie contagieuse des personnages. Côté série, on lorgne vers l’inoubliable Mariés, Deux Enfants (1987-1997) pour l’humour dévastateur et Shameless (2011-2021) pour la satire sociale. Ainsi, plus les héros sont bordéliques - « c’est vrai que cohérent, c’est pas ma force » dit Philippe lors d’un accès de lucidité-, plus ils sont touchants et nous font rire, et plus on les aime.
L'Amour Flou, la série, disponible en intégralité sur CANAL+