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Lessons in Chemistry (Apple TV+) : Brie Larson de retour dans une série féministe joliment vintage

Posté par Alexis Lebrun le 16 octobre 2023

Après avoir mis en pause sa carrière pendant trois ans, l’actrice oscarisée en 2016 est la tête d’affiche d’une nouvelle production réussie de la plateforme d’Apple, où elle incarne brillamment une héroïne en cohérence avec ses engagements personnels. Mais outre la richesse de son propos politique, Lessons in Chemistry est surtout une série attachante qui met du baume au cœur.

Les recettes de l’émancipation

Il ne faut jamais se laisser tromper par le charme désuet des décors luxueux dans une série comme Lessons in Chemistry. L'histoire prend place dans les années 1950 et 1960, des décennies horribles pour beaucoup de monde, à commencer par la moitié de la population : les femmes. C’est ce que viennent rappeler parfois douloureusement les premiers épisodes de Lessons in Chemistry, dans lesquels une jeune laborantine est victime de la misogynie ordinaire de ses collègues chimistes masculins pourtant bien moins intelligents qu’elle.

Oui mais voilà, Elizabeth Zott est une femme, elle n'a pas pu terminer son doctorat pour de très sombres raisons, et on la considère alors comme une sorte de bonniche qui devrait se contenter de servir le café et de participer au concours de beauté du labo en souriant. Sa hiérarchie ne goûte que très peu son obstination à mener ses propres recherches et à tenir tête aux hommes, et elle est donc virée à la première occasion – c’est-à-dire lorsqu’elle devient mère célibataire.

Elizabeth rebondit alors à un poste inattendu : elle devient la présentatrice d’une émission culinaire où elle enseigne aux mères au foyer du pays son expertise scientifique de la cuisine, puisqu’elle a aussi l’habitude d’utiliser son génie de la chimie en privé pour perfectionner et doser au gramme près ses recettes. Mais avec beaucoup d’aplomb, Elizabeth enseigne également les recettes de l’émancipation à des millions de femmes cantonnées à la sphère domestique et à l’éducation des enfants, à qui la série rend clairement hommage, dans une société où leur rôle sacrificiel est si peu mis en valeur.

Une dimension anachronique assumée

Et c’est là que Lessons in Chemistry se distingue de séries 60’s plus sombres comme Mad Men (OCS), où il était très difficile pour les héroïnes de remettre en cause l’horreur du patriarcat. Adaptée du best-seller éponyme de Bonnie Garmus, la série de Lee Eisenberg (The Office, WeCrashed) ne vise absolument pas le réalisme. Elle assume au contraire son statut de fantaisie volontairement anachronique, où une héroïne fictive peut défier les hommes et en triompher quasiment seule contre tous.

On ne dit pas non à ses quelques victoires, car malgré sa dimension feel-good – le chien d’Elizabeth, qui narre d’ailleurs l’un des épisodes, est adorable –, Lessons in Chemistry réserve aussi quelques moments plus que difficiles dans les premiers épisodes. Mais si la série captive sur la durée, c’est aussi et surtout parce qu’elle évoque des enjeux passionnants – et pour le coup très actuels – de la condition féminine.

Ce n’est pas tous les jours qu’une grosse production américaine ose mettre en scène autant de tabous de la société d’aujourd’hui vis-à-vis du rôle de mère, avec une femme affirmant haut et fort son refus du mariage et sa volonté de ne pas avoir d’enfants, mais aussi ses pensées noires vis-à-vis de sa fille et de ses colères.

Une actrice engagée mais bien trop rare sur nos écrans

On imagine que Brie Larson – qui est productrice de la série – a été sensible à ces choix, comme celui de faire de la voisine d’Elizabeth (jouée par Aja Naomi King de How to Get Away with Murder) une militante des droits civiques et avocate qui a dû arrêter ses études pour élever elle aussi seule ses deux enfants.

Volontairement absente des radars pendant les années Covid, Brie Larson rappelle avec Lessons in Chemistry pourquoi elle a reçu un Oscar pour Room (Emma Donoghue, 2015) et pourquoi le costume de Captain Marvel est trop étroit pour son talent. Elle est convaincante en surdouée monomaniaque de la chimie et de la cuisine, mais elle brille surtout par la variété et la justesse de son jeu en femme à la fois entravée, déterminée, sûre d’elle, armée d’un humour sec, d’une répartie cinglante et d’un refus absolu de sourire pour faire plaisir aux hommes.

Mais ne vous y trompez pas : derrière sa poker face et sa rigueur à toute épreuve, Elizabeth Zott est bien l’une des héroïnes les plus attachantes de l’année. Si seulement elle avait pu vraiment exister...

Lessons in Chemistry, en ce moment sur Apple TV+, disponible avec CANAL+.