Making of, comédie hilarante sur le cinéma d’auteur avec Jonathan Cohen
Quelques mois seulement après Le Procès Goldman, Cédric Kahn change radicalement de registre avec Making of, jolie déclaration d’amour à toutes les personnes qui font du cinéma, souvent contre vents et marées.
Depuis quelques temps, les films hollywoodiens qui racontent l’envers du décor du septième art se multiplient, de BABYLON (Damien Chazelle) à THE FABELMANS (Steven Spielberg) en passant par EMPIRE OF LIGHT (Sam Mendes).
C’est au tour du cinéma français de s’essayer à cet exercice périlleux, mais Cédric Kahn évite la grandiloquence des exemples susnommés pour se concentrer sur les difficultés de fabrication d’un "petit" film social, où des ouvriers tentent de sauvegarder leur usine. Son réalisateur – incarné par un Denis Podalydès qui n’a pas été aussi drôle depuis longtemps – est le capitaine d’un navire à la dérive.
Menacé de séparation par sa femme (Valérie Donzelli), lâché dès le premier jour de tournage par de gros financiers qui voulaient vendre un happy end grand public, et coincé avec un producteur foireux qui embrouille tout le monde (Xavier Beauvois), il doit aussi composer avec un acteur principal médiocre qui se prend pour une star (Jonathan Cohen, lui aussi désopilant), et une équipe technique échaudée par les économies qui doivent être réalisées au forceps par la directrice de production jouée par Emmanuelle Bercot (Paris Has Fallen).
Bref, Cédric Kahn filme une vraie galère rendue hilarante par la pertinence de son propos sur le milieu du cinéma français. MAKING OF est en effet une mise en abyme à plusieurs étages, puisque son réalisateur ajoute un autre film dans le film : la réalisation d’un making of confié à un jeune figurant qui rêve de quitter son job de pizzaïolo pour devenir cinéaste, et qui se lie avec une actrice malmenée par Jonathan Cohen (Souheila Yacoub).
Ce personnage joué avec beaucoup de justesse par Stefan Crepon (LE BUREAU DES LÉGENDES) est véritablement le cœur battant du film, tant Cédric Kahn porte un regard tendre sur ce rôle qui semble lui rappeler ses propres débuts.
Bien plus qu’une satire du milieu du cinéma français, MAKING OF est donc surtout une déclaration d’amour émouvante à tous ses métiers, qui travaillent souvent dans des conditions très discutables sous la houlette de personnes qui prétendent pourtant défendre sincèrement une certaine vision sociale. En ce sens, le film pose de bonnes questions sur un système économique obsédé par la rentabilité, qui broie les ambitions artistiques et les personnes passionnées.
Quelques mois seulement après l’immense LE PROCÈS GOLDMAN (2023), réussir ce numéro d’équilibriste très méta et aussi drôle que politique n’est pas la moindre des prouesses d'un réalisateur, décidément en pleine bourre.
MAKING OF, disponible sur CANAL+.