Marie-Line et son juge : Louane et Michel Blanc, duo gagnant

Réalisateur expérimenté – il a tourné quatorze films depuis ses débuts il y a trois décennies –, Jean-Pierre Améris sait que c’est souvent dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures.

Autrement dit, en lisant un roman de Murielle Magellan publié en 2019 (CHANGER LE SENS DES RIVIÈRES), il a flairé la bonne histoire à adapter, soit celle de deux personnages que tout oppose, mais qui vont être forcés d’apprendre à se connaître au fil de leurs pérégrinations.

C’est un concept scénaristique vieux comme le monde, mais qui fonctionne ici à merveille, car les deux personnages principaux de MARIE-LINE ET SON JUGE (2023) sont particulièrement attachants. Le premier est un juge usé par la vie et un peu trop porté sur le whisky, à tel point qu’il en a perdu son permis de conduire.

Le voilà qui décide donc d’engager une jeune femme qu’il vient de condamner pour le conduire au quotidien. Elle, c’est Marie-Line : une fille issue d’un milieu populaire et qui se débat au quotidien avec un père handicapé par un accident d’usine (formidable Philippe Rebbot de la série L’AMOUR FLOU) et des petits boulots dans la ville du Havre.

Lorsque sa relation amoureuse naissante avec le beau Alexandre (Victor Belmondo, vu notamment dans l’ALBATROS de Xavier Beauvois) prend un mauvais tournant, la pauvre Marie-Line perd son job de serveuse et se retrouve à devoir payer une somme qu’elle n’a pas. Mais sa rencontre avec son juge signe paradoxalement peut-être le début de la renaissance pour Marie-Line, qui n’a jamais pu faire les longues études dont elle était capable à cause de sa situation familiale.

Si le duo que Louane forme avec Michel Blanc crée des situations forcément comiques parce qu’ils n’ont rien en commun – il faut voir la Twingo que conduit Marie-Line –, MARIE-LINE ET SON JUGE est aussi un vrai film social qui raconte les inégalités de naissance et les déterminismes de la France d’aujourd’hui, où des élites méprisent les catégories populaires qui comme Marie-Line ne connaissent pas forcément... la filmographie de François Truffaut.

Désormais habitué des bons rôles dramatiques, Michel Blanc est évidemment convaincant en septuagénaire endeuillé qui a beaucoup à apprendre de quelqu’un de différent de lui, à l’image du rôle qu’il tenait dans DOCTEUR ? (Tristan Séguéla, 2019) aux côtés de Hakim Jemili. Quant à Louane, sa complicité avec Michel Blanc rappelle dix ans après sa prestation césarisée dans LA FAMILLE BÉLIER (Eric Lartigau, 2014) qu’elle manquait beaucoup au cinéma français ces dernières années.