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Avec Fellow Travelers, on tient déjà la première grande série de 2024

Posté par Alexis Lebrun le 12 janvier 2024

Acclamée lors de sa diffusion aux États-Unis et nommée plusieurs fois aux Golden Globes, cette nouvelle création du scénariste de Philadelphia possède le souffle épique des meilleures séries d’époque. Formidable leçon d’histoire sur les ravages de l’homophobie, Fellow Travelers devrait aussi beaucoup faire parler pour ses scènes de sexe, bouillantes.

La peur violette

Quiconque a bien suivi ses cours d’Histoire au lycée sait que pendant les années 1950, les États-Unis avaient une peur bleue du communisme, la fameuse « Red Scare ». Au début de la guerre froide, le pays se met à traquer tout ce qui est perçu comme proche de l’ennemi soviétique, sous l’égide de l’infâme sénateur Joseph McCarthy. C’est le maccarthysme.

Mais ce que l’on sait moins, c’est que cette chasse aux sorcières visait aussi les homosexuels, alors considérés comme de dangereux déviants pour le pays. C’est la « Lavender Scare » (peur violette), une homophobie décomplexée qui incite tout le monde à dénoncer les fonctionnaires américains qui ne sont pas de bons hétérosexuels afin de les évincer. Cette horrible période de paranoïa est le cœur de Fellow Travelers, dont les deux héros se rencontrent à l’occasion de l’élection d’Eisenhower, en 1952.

Hawkins (Matt Bomer) est un vétéran de l’armée passé maître dans l’art de cacher son homosexualité : il flirte avec des femmes – il finira par en épouser une et avoir des enfants avec – et incarne la virilité comme personne. Ses relations avec des hommes sont toujours sans lendemain, mais lorsqu’il fait la rencontre de Tim (Jonathan Bailey), tout se complique. Il y a de l’amour dans l’air avec ce jeune idéaliste aussi religieux que déterminé à lutter contre le communisme.

Un voyage à travers quatre décennies

Ils travaillent tous les deux au cœur de la machine politique de Washington, et sont donc aux premières loges pour assister à la façon dont les homosexuels sont plus que jamais stigmatisés et chassés. Certains perdent tout : emploi, famille, et parfois la vie. Hawkins et Tim doivent se cacher et vivre avec la peur constante d’être découverts, dénoncés et interrogés. Mais l’ambition historique et narrative de Fellow Travelers ne s’arrête pas là, puisque la série fait voyager ses personnages à travers plusieurs décennies.

On suit ainsi l’évolution de la relation contrariée et interdite des deux héros dans les années 1960 (pendant la contestation de la guerre du Vietnam notamment), les années 1970 (avec l’explosion du disco et de la drogue) et enfin les années 1980, avec l’arrivée tragique du sida, qui laisse la communauté gay meurtrie et désemparée face à l’abandon des pouvoirs publics.

Avec beaucoup d’habileté, Fellow Travelers alterne entre les époques pour nous faire traverser l’histoire de la communauté homosexuelle aux États-Unis, sans jamais ressembler à un cours magistral. Les enjeux dramatiques sont bouleversants en raison de la qualité du matériau d’origine – la série est une adaptation du roman éponyme de Thomas Mallon publié en 2007 – et de l’écriture de Ron Nyswaner (Ray Donovan, Homeland), spécialiste du sujet qui a notamment signé le scénario pionnier du célèbre film queer Philadelphia (1993).

Une alchimie rare entre les acteurs

Mais la série se repose surtout sur l’incroyable interprétation de ses acteurs principaux – ouvertement gays tous les deux – dont l’alchimie transparaît dans tous les plans. Et ne parlons pas des scènes de sexe : on a rarement vu les relations homosexuelles filmées de façon aussi explicites depuis Queer as Folk. Connu pour ses rôles dans Broadchurch (POLAR+, disponible avec CANAL+) et La Chronique des Bridgerton (Netflix), Jonathan Bailey est parfait en geek coincé dont la foi et les idéaux rigides sont vite balayés par la cruauté du monde.

Mais la star de la série, c’est bien Matt Bomer. Nommé pour le Golden Globe du meilleur acteur il y a quelques jours, l’acteur déjà récompensé pour son rôle dans le film The Normal Heart (Ryan Murphy, 2014) incarne ici plus que jamais la version queer de Jon Hamm dans Mad Men (OCS). Toujours impeccablement peigné et habillé, Bomer confère à Hawkins une aura masculine presque menaçante au début de la série, lorsque son personnage est prêt à tout pour ne pas être outé, y compris dénoncer d’autres personnes à sa place, et c’est ce qui rend l’évolution de son personnage à travers le temps si fascinante. Nommée aussi aux Golden Globes cette année dans la catégorie meilleure mini-série, Fellow Travelers est la première sensation de 2024.

Fellow Travelers, en intégralité à partir du 18 janvier seulement sur CANAL+.