Vincent doit mourir, un film pré-apocalyptique qui tabasse sévère
Véritable coup de cœur des critiques l’an dernier au Festival de Cannes, le premier long-métrage de Stéphan Castang est une nouvelle preuve de la santé retrouvée du cinéma de genre en France. On ne sait pas si Vincent doit mourir, mais il mérite assurément qu’on s’intéresse à lui.
Comment peut-on avoir envie de s’en prendre au physique de nounours de Karim Leklou ? Pendant près de deux heures, on se pose la question dans VINCENT DOIT MOURIR, où l’acteur connu notamment pour son rôle dans la série médicale HIPPOCRATE (CANAL+) incarne un graphiste urbain sans histoire qui, du jour au lendemain, se fait taper dessus gratuitement par certaines personnes.
Et il ne s’agit pas d’agressions mais de vraies tentatives de meurtre. De quoi devenir légèrement parano et obliger Vincent à aller s’isoler à la campagne pour tenter de survivre. Il y fait l’acquisition d’un chien costaud pour se défendre – une super staffie récompensée par le jury de la Palme Dog – et surtout la rencontre de Margaux (Vimala Pons), une serveuse de fast food avec qui il tente de retrouver un semblant de lien humain.
Autrement dit, si VINCENT DOIT MOURIR est d’abord un survival bien stressant où une violence réaliste très sèche (coucou l’influence de John Carpenter) monte crescendo et accouche de scènes assez sidérantes – une lutte à mort dans une fosse septique, une horde de tueurs lancée à la poursuite de Vincent façon Romero, un final apocalyptique sur une route embrumée –, ce n’est absolument pas une simple variation sur le film de zombies.
Le long-métrage de Stéphan Castang (nommé aux derniers César) prend un certain plaisir à mélanger les genres, en empruntant notamment aux registres du burlesque et de la romance. Malgré sa dimension largement pré-apocalyptique, VINCENT DOIT MOURIR est aussi teinté d’une bonne dose de comédie noire aussi réjouissante que parfois déstabilisante – à l’image d’un affrontement avec des enfants.
Mais la grande force du film, c’est son parti-pris de ne pas vraiment expliquer l’origine du phénomène dont Vincent est victime. Plutôt que d’apporter des réponses bancales via une enquête, VINCENT DOIT MOURIR préserve le mystère en faisant totalement confiance à la suspension d’incrédulité du public, sommé d’accepter le phénomène pour mieux profiter de la tension du film.
Est-ce pour autant un long-métrage politique sur la violence de nos sociétés ? Pas sûr. On y voit plutôt une fable sur la fragmentation de la population et la perte de confiance en autrui. Et finalement, le réalisateur semble prendre le parti de l’amour face à la méfiance et à la tentation permanente du rejet de l’autre.
En cela, la conclusion de VINCENT DOIT MOURIR rejoint d’ailleurs celle d’un autre grand film de genre français présenté à Cannes l’an dernier, LE RÈGNE ANIMAL de Thomas Cailley. Il y a pire compagnie, et le cinéma français serait bien inspiré de soutenir davantage de projets de ce « genre » : on parle là de deux des meilleurs films de genre sortis l’année dernière chez nous.