66-5, une Création Originale dans l’univers impitoyable du droit pénal
Imaginée par l’ancienne scénariste d’Engrenages, Anne Landois, cette nouvelle série judiciaire porte un regard neuf sur les rouages d’une justice française plutôt méconnue du grand public. Et en mettant en scène une héroïne avocate confrontée à des questionnements éminemment actuels, 66-5 révèle aussi le talent d’une actrice, Alice Isaaz.
Roxane est une transfuge de classe. Après avoir grandi dans une cité, elle est aujourd’hui avocate dans un grand cabinet d’affaires. Son quotidien se partage entre des bureaux luxueux et un appartement parisien tout aussi cossu, qu’elle habite avec Samuel (Éric Pucheu), son mari lui aussi avocat au même endroit.
Mais derrière ses bijoux et ses fringues hors de prix, Roxane est en réalité bridée dans son ascension par son beau-père qui dirige le cabinet. Quand Samuel est accusé de viol par une ancienne stagiaire, le petit monde de Roxane vole en éclats, et elle se demande vite si elle est bien à sa place dans cet univers où on lui fait comprendre clairement qu’elle ne peut plus travailler tant que son mari est accusé.
Cette remise en question incite Roxane à retourner sur les lieux de son enfance pour devenir avocate pénaliste au Tribunal de Bobigny, où elle retrouve certains des caïds de son enfance, qui trempent aujourd’hui dans de sérieuses affaires de trafic de stupéfiants. C'est le cas par exemple de Bilal (Raphaël Acloque), l'amour de jeunesse éphémère de Roxane, avec qui l'histoire a mal fini quinze ans plus tôt, l'obligeant à quitter prématurément son quartier d'enfance.
Le changement de décor est radical, mais l’héroïne de 66-5 – l’article de loi qui prévoit la confidentialité des échanges entre un avocat et son client – n’a pas oublié d’où elle vient : elle a appris souvent douloureusement les codes du quartier quand elle était ado. Alors que son mari est incarcéré et qu’elle ne sait pas comment réagir face à cette situation, sa reconstruction personnelle passe peut-être par ce changement de cap professionnel.
Agrémentée de nombreux flashbacks qui permettent de reconstituer son adolescence, 66-5 n’est pas une série judiciaire traditionnelle à l’ancienne. C’est une forme de récit d’émancipation entièrement dévoué à une héroïne très attachante, écartelée entre des mondes opposés mais qui a toutes les qualités pour se faire respecter et gagner son indépendance vis-à-vis de toutes les formes de patriarcat, celui de la cité comme celui des beaux quartiers.
Ce rôle difficile est incarné avec beaucoup de conviction par Alice Isaaz, qui ne manque de crédibilité ni face aux dealers, ni dans ses plaidoiries à Bobigny. La dimension féministe de la série interroge aussi la place et la réaction des femmes dont le mari est accusé de violences sexuelles, une question rendue encore plus difficile ici par le milieu judiciaire dans lequel évoluent les personnages.
La justice que nous dépeint la créatrice et scénariste Anne Landois est d’ailleurs bien plus complexe qu’on veut souvent nous le faire croire. En installant l’intrigue de la série au Tribunal de Bobigny, elle ne cache rien des difficultés de l’institution judiciaire, sans brosser pour autant un portrait misérabiliste des personnes qui la font fonctionner au quotidien, comme la juge Bokobza jouée par Rani Bheemuck. Un point de vue d’équilibriste trouvé grâce à l’aide d’une avocate pénaliste (Clarisse Serre, qui a officié comme consultante) permet de garantir un certain réalisme. C’est un peu la même chose avec la façon dont sont représentées les cités dans la série.
À contre-courant de ce que l’on voit régulièrement dans la fiction, la banlieue de 66-5 n’est pas un univers uniformément gris peuplé d’habitants regardés de haut par la caméra. Les réalisatrices Danielle Arbid et Keren Ben Rafael en donnent au contraire une image lumineuse – à l’image de la personnalité rayonnante de Yasmine (Nailia Harzoune), la meilleure amie de Roxane qui travaille à l’hôpital de Bobigny – en mettant en valeur la richesse du métissage à l’œuvre, sans éluder évidemment les difficultés rencontrées sur place.
Par les temps qui courent, 66-5 est donc une série plus que jamais d’actualité.
Découvrez 66-5, dès le 18 septembre seulement sur CANAL+.