L'Abbé Pierre, une vie de combats : un biopic tristement d’actualité
70 ans après le célèbre appel de l’hiver 1954, et alors que le problème du mal-logement est moins réglé que jamais en France, le film de Frédéric Tellier sur l’Abbé Pierre résonne particulièrement aujourd’hui. Et il rappelle le talent fou de Benjamin Lavernhe, nommé aux derniers César pour ce rôle.
Pendant des années et des années, il a été la personnalité préférée des Français, pour qui il représente une figure quasiment christique, en raison de son engagement inébranlable et jusqu’à sa mort en faveur des plus démunis. Mais connaît-on vraiment bien la vie d’Henri Grouès ?
Dans L'ABBÉ PIERRE : UNE VIE DE COMBATS, le réalisateur et scénariste Frédéric Tellier s’emploie à reconstituer les étapes les plus marquantes du parcours d’un homme d’exception, dont on dit à juste titre qu’il a vécu mille vies.
La moins connue et la plus intéressante est sans doute celle qui correspond à ses débuts. Le film revient ainsi sur cette jeunesse tourmentée faite d’échecs : il a été renvoyé du couvent avant de devoir quitter l’armée au début de la Seconde Guerre mondiale, à chaque fois en raison de sa santé vacillante.
C’est en s’engageant dans la Résistance qu’il fait la rencontre décisive de Lucie Coutaz, avec qui il fondera Emmaüs en 1949. Cette femme injustement méconnue – qui sera le bras droit de l’Abbé Pierre jusqu’à sa mort – est parfaitement mise en lumière dans le film de Frédéric Tellier, où Emmanuelle Bercot l’incarne avec une force tranquille qui tranche avec le caractère parfois impulsif de l’Abbé Pierre, comme lorsque l’on voit ce dernier s’en prendre à l’immobilisme de ses collègues politiques lorsqu’il est député (juste après la guerre), ou aux financiers du conseil d’administration d’Emmaüs, qui voient d’un mauvais œil sa tendance à tout dépenser pour aider un maximum de pauvres.
Mais la pièce de résistance des 2h20 de ce biopic épique est évidemment le célèbre Appel de l’Abbé Pierre, ce message diffusé sur Radio-Luxembourg le 1er février 1954, dans lequel il en appelle avec beaucoup d’éloquence et d’émotion à la générosité de la population pour lutter contre une vague de froid meurtrière qui fait des ravages chez les SDF.
L’Abbé Pierre devient « la voix des sans-voix », une star emportée dans un tourbillon médiatique qui l’expose aux critiques et aux controverses. Progressivement recouvert par une couche de plus en plus impressionnante de maquillage, Benjamin Lavernhe lui redonne vie avec beaucoup de souffle, livrant une performance spectaculaire de mimétisme et d’autant plus remarquable que le comédien sociétaire de la Comédie-Française incarne l’Abbé Pierre sur plus de sept décennies, soit jusqu’à sa mort en 2007 – contrairement à Lambert Wilson en 1989 dans le film de Denis Amar, HIVER 54, L'ABBÉ PIERRE.
Et lorsque le biopic de Frédéric Tellier fait le lien dans ses dernières minutes avec le drame persistant du mal-logement en France, on se dit que qu’il continue de prêcher à sa manière la parole de l’Abbé Pierre. C’est malheureusement plus que jamais nécessaire.