On a classé les différents opus de Fargo (même s’ils sont tous excellents)
C’est l’une des meilleures séries des dix dernières années et un rare exemple de prolongement réussi d’un film culte à la télévision, en l’occurrence le Fargo des frères Coen (1996). À l’occasion de l’arrivée sur CANAL+ de l’anthologie signée Noah Hawley, voici le classement des quatre premiers opus de Fargo, en attendant que le cinquième ne vienne tout chambouler.
Il faut bien un dernier, mais cet opus de Fargo est loin d’être mauvais. Il est même meilleur que 99% des séries qui sortent chaque année, mais il a malheureusement été un peu incompris. Avec cet opus, Noah Hawley a en effet pris de gros risques en éloignant Fargo de sa base géographique si caractéristique, le Minnesota et ses paysages enneigés.
L’intrigue se déroule cette fois à Kansas City dans le Missouri en 1950, un choix qui permet au scénariste de Fargo d’aborder frontalement la question de la ségrégation raciale aux Etats-Unis. Cela donne une intrigue d’une richesse inédite, avec des dizaines de personnages, onze épisodes d’une durée souvent XXL, et un ton forcément beaucoup plus sérieux que dans les opus précédents.
Le racisme ne prête pas à rire, et c’est peut-être cette quasi-absence du fameux humour noir de Fargo qui a désorienté le public. Mais si cet opus n’avait pas été retardé par la crise sanitaire, il aurait peut-être été considéré comme visionnaire – à la manière du Watchmen de Damon Lindelof sur le massacre de Tulsa –, puisqu’il devait sortir en avril 2020, soit juste avant le meurtre de George Floyd et les manifestations de Black Lives Matter.
En dehors de ces considérations, cet opus est surtout un très bel hommage aux films de gangsters d’époque – il met en scène l’affrontement entre la mafia italienne et la mafia noire, deux communautés rejetées par l’Amérique raciste – avec un casting costaud : Chris Rock, Jason Schwartzman, Ben Whishaw, Jack Huston, et même Salvatore Esposito de Gomorra. Mais notre chouchoute de cet opus beaucoup trop sous-estimé reste évidemment la révélation Jessie Buckley en infirmière tueuse psychopathe.
Sans doute l’opus le plus déjanté et audacieux de la série. Noah Hawley s’y lâche complètement – sur la forme comme dans l’écriture des personnages –, ce qui donne des épisodes très fidèles à l’état d’esprit d’origine du Fargo des frères Coen.
Mais si cet opus fonctionne aussi bien, c’est parce qu’Ewan McGregor réussit à incarner avec beaucoup de talent les deux jumeaux qui se font face dans l’intrigue, Emmit (le winner) et Ray, le loser qui tente d’arnaquer son frère à cause d’une histoire d’héritage.
Fargo oblige, les choses tournent mal, et on fait encore des cauchemars des apparitions de David Thewlis dans la peau de V. M. Varga, le méchant à la diction ultra-crispante et aux dents aussi pourries que ses costumes.
Heureusement, on retrouve aussi dans cet opus deux des personnages les plus attachants de la série : Nikki Swango (la malheureuse fiancée complice de Ray) et Gloria Burgle (la policière sympa), jouées respectivement par une Mary Elizabeth Winstead et une Carrie Coon qui méritaient toutes les récompenses du monde.
Et la présence au casting de Michael Stuhlbarg et Fred Melamed – deux acteurs connus pour avoir travaillé avec les frères Coen sur le chef-d’œuvre A Serious Man (2009) – ne gâche rien non plus.
Le premier opus de Fargo a constitué rien moins qu’une révélation, car Noah Hawley a réussi ce qui semblait impossible en transposant avec succès l’univers du film des frères Coen dans une série. Tout est parfait dans ces dix premiers épisodes : l’ambiance de la petite ville de Bemidji dans le Minnesota, l’humour noir des dialogues et des situations, la mise en scène et la photo à tomber par terre et bien sûr le casting et les personnages, aussi inoubliables que dans le film de 1996.
Avec Lorne Malvo, Billy Bob Thornton incarne l’un des méchants les plus terrifiants – et les plus étrangement coiffés – de l’histoire de la télévision. Le duo qu’il forme avec Martin Freeman est immense parce que l’acteur britannique évolue au même niveau : son interprétation de l’amoralité et de la stupidité du mari tueur Lester Nygaard est aussi fascinante que totalement désopilante.
Cet opus a aussi révélé l’actrice Allison Tolman, parfaite héritière de Frances McDormand dans le rôle de la policière locale qui ne paye pas de mine, mais qu’il ne faut pas sous-estimer. Son duo avec l’officier Gus Grimly (Colin Hanks) est tellement réconfortant qu’il faudrait créer un épisode de Noël spécial rien que pour eux.
On en oublierait presque qu’on croise aussi Bob Odenkirk, Keegan-Michael Key et Jordan Peele dans cet opus, à qui la première place du classement échappe pourtant parce que Fargo a fait – on ne sait pas comment – encore mieux.
C’est bien simple, le deuxième opus de Fargo est l’une des meilleures saisons de l’histoire de la télévision. Peut-être parce qu’en plus des qualités habituelles de la série, on ressent ici une émotion qui est habituellement peu présente dans l’univers très froid de Fargo.
Et si on éprouve ce sentiment, c’est grâce d’abord au couple adorable formé par Peggy et Ed – incarnés par une Kirsten Dunst et un Jesse Plemons en état de grâce – la coiffeuse et le boucher du coin qui tentent maladroitement de dissimuler le fait qu’ils ont tué dans un accident de voiture l’un des fils d’une matriarche de la mafia allemande, Floyd Gerhardt, jouée par une Jean Smart glaçante.
Ces deux personnages foncièrement sympathiques se retrouvent au milieu d’une embrouille ultra-violente entre les Gerhardt et la mafia de Kansas City, représentée par un nouvel antagoniste d’anthologie, Mike Milligan (Bokeem Woodbine). Ce dernier n’est pas seul dans cette catégorie, puisque Zahn McClarnon joue aussi un homme de main mémorable, Hanzee Dent, un autochtone vétéran de la Guerre du Vietnam qui ne déconne absolument pas.
L’intrigue tentaculaire de cet opus situé en 1979 est brillamment écrite, et cerise sur le gâteau, elle est connectée à celle du premier opus, dont il constitue un préquel. C’est ce qui permet de découvrir la jeunesse du policier Lou Solverson, incarné cette fois par l’excellent Patrick Wilson. En bonus, cet opus peut se targuer de la présence de Ted Danson, Nick Offerman et même des extraterrestres. Comment la première place pourrait lui échapper ?
Fargo saisons 1 à 4, disponibles le 20 décembre seulement sur CANAL+.