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DOCTEUR ?, une comédie de Noël qui dénonce l’uberisation de la société

Posté par Alexis Lebrun le 9 décembre 2020

Entouré de jeunes talents de l’humour, Michel Blanc incarne dans ce film un médecin acariâtre blasé par son métier et la vie en général. Heureusement pour lui et pour nous, il croise la route d’un livreur à vélo chez qui il pourrait faire naître une vocation. Et si la magie de Noël n’opère plus chez vous depuis longtemps, DOCTEUR ? est peut-être la prescription qu’il vous faut.

Entre buddy et road movie un soir de réveillon dans Paris

Ce film réalisé par Tristan Séguéla et sorti l’an dernier repose sur un duo comique à l’ancienne avec deux personnages opposés, comme dans tout buddy movie qui se respecte. Serge (Michel Blanc) est le seul médecin de garde de SOS-Médecin disponible le soir du réveillon de Noël. Et pour cause : il est obligé de s’y coller après plusieurs plaintes contre lui auprès de l’Ordre des Médecins, qui le menace de radiation. Depuis qu’il a vécu un drame familial lors d’un Noël précédent, il n’a de toute façon plus envie de le fêter, et il noie sa solitude et son malheur dans l’alcool. Pour revivre, il lui fallait rencontrer par hasard un autre forçat du travail pendant les fêtes, et qui mieux qu’un livreur Uber Eats à vélo (Malek) joué par l’humoriste Hakim Jemili pour remplir ce rôle ?

Pourtant, la nuit de Serge commence encore mal : blessé, il se retrouve dans l’incapacité de se déplacer. Pour continuer coûte que coûte les consultations, il a une idée folle : confier à Malek le soin d’examiner les patients pendant qu’il le guide à distance avec une oreillette, ce qui donne bien sûr des situations très improbables. Mais peu à peu, ce duo d’abord éloigné et dysfonctionnel trouve sa vitesse de croisière en enchaînant les consultations. DOCTEUR ? devient alors mi-buddy movie, mi-road movie, dans le Paris nocturne des fêtes de Noël. Et Malek commence même à prendre goût à la médecine sous le tutorat de Serge, ce qui pourrait permettre par la même occasion à ce dernier de redonner du sens à son métier et à sa vie.

Michel Blanc face à une jeunesse talentueuse mais uberisée

DOCTEUR ? a beau être une comédie tout ce qu’il y a de plus classique, elle ne cache pas vraiment son message sur la répartition des rôles et des richesses dans la société française, et en particulier à Paris. Avec son Vélib’ lourd et encombrant qu’il a toutes les peines du monde à manœuvrer à l’intérieur des immeubles, Malek s’attire la sympathie de Serge, qui apprend par la même occasion le salaire dérisoire qu’il gagne avec chaque course. Malek n’a pas eu la chance de faire des études, et son seul rêve au début du film est de retaper une voiture pour se lancer dans une autre activité uberisée : un service de VTC. Mais au fur et à mesure des visites, il apprend sur le tas quelques bases de médecine et finit même par développer un certain talent au contact des patients.

Néanmoins, qu’il porte la casquette de livreur ou de docteur, il se heurte de plein fouet à la réalité sociale de la capitale, en rendant visite à des familles qui s’empiffrent des produits les plus luxueux (pendant un réveillon que lui ne fête pas) dans des appartements hallucinants qui le font rêver, alors qu’il enchaîne les livraisons et les consultations à un rythme exténuant, en restant toujours serviable et souriant. Ces inégalités sont illustrées sur le mode comique par un personnage détestable qui le prend réellement pour son larbin, et ce rôle peu flatteur est incarné par Franck Gastambide, qui a d’ailleurs fait jouer Hakim Jemili dans sa série VALIDÉ diffusée sur CANAL+ cette année.

Quand le cinéma crée des vocations et change la vision des médecins

Dans DOCTEUR ?, le livreur joué par Hakim Jemili se découvre une vocation pour la médecine, tandis que le toubib qu’incarne Michel Blanc change sa façon de voir le métier en lui servant de mentor. Cette figure du médecin qui se réinvente est un grand classique du cinéma. Par exemple, LE DOCTEUR (Randa Haines, 1991) met en scène un chirurgien de renom d’abord bien peu empathique envers ses patients souvent gravement malades, mais dont le point de vue change radicalement lorsqu’il se retrouve de l’autre côté, atteint à son tour d’une grave maladie. Dans DOCTEUR PATCH (Tom Shadyac, 1998), un brillant étudiant en médecine joué par Robin Williams est convaincu que le rire et le relationnel avec les patients sont plus efficaces que les méthodes scientifiques traditionnelles de la psychothérapie, suite à son expérience personnelle en hôpital psy après une dépression.

On retrouve Robin Williams dans L’ÉVEIL (Penny Marshall, 1990), film où il incarne cette fois un docteur qui se consacre entièrement à la recherche, jusqu’à ce qu’il découvre un remède miraculeux qui permet de réveiller des patients catatoniques, ce qui change leur vie ainsi que la sienne. En France, nous avons la chance d’avoir avec Thomas Lilti un réalisateur qui a déjà exercé le métier de médecin, dont il a tiré plusieurs films importants. Dans HIPPOCRATE (2014), le jeune interne plein d’entrain joué par Vincent Lacoste est confronté à la dure réalité des difficultés actuelles de l’hôpital français. Quant à MÉDECIN DE CAMPAGNE (2016), il suit le parcours d’un médecin accro à son boulot mais touché lui-même par un cancer, ce qui l’oblige à accepter à contre-cœur l’aide d’une médecin envoyée sur place pour lui prêter main forte avec ses patients. Après la crise de l’hôpital dans son film précédent, Thomas Lilti plonge cette fois au cœur du débat brûlant sur les déserts médicaux. Deux sujets plus que jamais d’actualité.

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