C'est quoi ce film qui a lancé la légende de Christopher Nolan ?
Considéré comme l’un des meilleurs films de son réalisateur, le deuxième long-métrage de Christopher Nolan continue de retourner le cerveau de ses fans, près de 25 ans après sa sortie. On n’a toujours pas fini de percer tous les mystères de Memento (2000), et c’est exactement pour ça qu’on ne se lasse pas de le revoir.
On peut difficilement reprocher à Christopher Nolan son manque de constance. Depuis ses débuts en 1998 avec FOLLOWING, son premier long-métrage tourné dans des conditions artisanales, on sait qu’il affectionne – entre beaucoup d’autres choses – le noir et blanc et les structures narratives non linéaires.
Ces éléments restent constitutifs de son ADN dans ses derniers films : TENET (2020) fait des nœuds au cerveau avec son idée d’inversion de l’entropie, tandis qu’OPPENHEIMER (2023) raconte une partie de son intrigue en noir et blanc pour symboliser le point de vue du personnage joué par Robert Downey Jr.
Mais si ces deux projets démesurés constituent l’apogée de la carrière de Christopher Nolan, il faut remonter quasiment un quart de siècle en arrière pour trouver le moment où le mythe a vraiment commencé à se bâtir. Nous sommes à la fin des années 1990, et sur une idée de son frère Jonathan – le futur papa de la super série sci-fi WESTWORLD (Max) –, Christopher Nolan décide de réaliser un film sur un homme victime d’une forme d’amnésie rare.
Leonard Shelby oublie systématiquement ce qu’il a fait quelques minutes auparavant, ce qui le conduit à douter de tout ce qu’on lui dit – ses interlocuteurs joués par Joe Pantoliano des SOPRANOS et Carrie-Anne Moss de MATRIX sont ici particulièrement suspects – et l’oblige à constamment écrire ses souvenirs sur des photos qu’il prend en polaroid, voire à se tatouer sur le corps les informations les plus importantes.
Par exemple celles qui doivent lui permettre de retrouver la trace du meurtrier de sa femme, un traumatisme qui est aussi à l’origine de ses problèmes de mémoire – même s’il se souvient heureusement de toute sa vie avant le drame.
Ce prémisse est naturellement intrigant, mais si le scénario de MEMENTO (2000) est passé à la postérité dès sa sortie – avec notamment la première nomination de Nolan aux Oscars –, c’est parce que ce dernier a fait le choix tordu voire un peu vicieux d’opter pour une narration antéchronologique (soit en partant de la conclusion de l'intrigue) pour plonger le public dans un état de confusion similaire à celui du personnage principal joué par Guy Pearce, qui réalise ici la meilleure imitation du Brad Pitt de l’époque, ce qui est un compliment.
Et pour corser le tout, des séquences en noir et blanc qui se déroulent elles dans un ordre chronologique sont intercalées au montage selon un principe d’alternance avec les scènes en couleurs, avant un final vertigineux qui nécessite d’être vu plusieurs fois si on veut espérer y comprendre quelque chose.
Toute la matrice de l’obsession de Christopher Nolan pour le temps qui passe et la déformation des souvenirs est presque résumée là, avec ce héros au background minimaliste utilisé comme simple pion dans un grand puzzle narratif où le spectateur devient un joueur qui tente de sortir de la même boucle infernale que le héros du film.
Nolan a poussé cette idée de cinéma comme casse-tête mental à son paroxysme dans TENET, mais c’est bien avec MEMENTO que tout a commencé… ou s’est achevé.