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LES APPARENCES : Karin Viard et Benjamin Biolay face à face dans un thriller chabrolien
À la croisée des genres, le sixième long-métrage de Marc Fitoussi est un jeu de massacre réjouissant qui convoque les influences de Buñuel, Chabrol et Hitchcock, mais où brille surtout le couple Karin Viard-Benjamin Biolay.
Expatriés à Vienne, Ève (Karin Viard) et Henri (Benjamin Biolay) représentent le couple parfait à qui tout réussit, du moins en apparence. Issue d’un milieu modeste, Ève a accédé à son rêve d’intégrer la grande bourgeoisie, dont le quotidien est rythmé par les ragots des dîners mondains et les brushings chez le coiffeur. Comble du bonheur, elle est toujours follement amoureuse de son mari. Malheureusement pour elle, ce sentiment n’est plus réciproque depuis un bout de temps déjà. Grand chef d’orchestre egocentrique, taiseux et à l’ambition débordante, Henri s’ennuie ferme dans le carcan bourgeois où il se sent enfermé avec sa femme. Il va donc chercher l’aventure auprès de Tina (Laetitia Dosch), l’institutrice de son fils.
Mais Ève n’est pas stupide et du genre à se laisser faire, alors quand elle découvre le pot aux roses, elle décide de se venger d’une façon pour le moins machiavélique, tout en essayant de sauver coûte que coûte les apparences sociales qui lui importent tant. Elle fait aussi la rencontre d’un jeune Autrichien (Lucas Englander) qui a un coup de cœur pour elle, mais hélas, ses actes ont bien sûr des conséquences, et nos quatre personnages s’engagent sur une pente très périlleuse dont personne ne sortira indemne. Ecrit par le réalisateur français du film, ce scénario est adapté d’un roman suédois de l’écrivaine Karin Alvtegen, TRAHIE, paru en France en 2005. Mais c’est bien Marc Fitoussi qui a ajouté à cette intrigue de thriller toute la dimension sociale du film – qui renvoie à certaines références du genre.
On l’a dit, LES APPARENCES prend un malin plaisir à mélanger les genres. Evidemment, il s’agit avant tout d’un thriller aux accents hitchcockiens, un sentiment renforcé par certains choix de décors, la réalisation de Marc Fitoussi et surtout la musique composée par Bertrand Burgalat, qui rend un hommage appuyé à l’œuvre du grand Bernard Herrmann, compositeur fétiche d’Alfred Hitchcock. Mais dès le début du film, le réalisateur nous plonge aussi dans une comédie satirique qui tourne en dérision les habitudes des expatriés qui vivent entre eux dans des communautés très bourgeoises et où les apparences comptent plus que tout. C’est à travers ces scènes très drôles portées notamment par le talent de Pascale Arbillot que l’on sent l’influence d’un Claude Chabrol ou d’un Luis Buñuel sur le film de Marc Fitoussi. On pense évidemment tout de suite au classique LE CHARME DISCRET DE LA BOURGEOISIE sorti par le réalisateur espagnol en 1972, mais aussi à BLUE JASMINE (2013) ou à l’incroyable MATCH POINT (2005) de Woody Allen, deux films incontestablement chabroliens qui s’en prenaient à l’hypocrisie de la grande bourgeoisie.
Et contrairement aux apparences, le long-métrage de Marc Fitoussi ne s'intéresse pas qu'à des "problèmes de riches", comme on peut le reprocher à beaucoup de scénarios. La satire du réalisateur est aussi sociale et renvoie directement à une certaine lutte des classes. Les personnages de l’institutrice et de Jonas (le jeune Autrichien) sont des désargentés complètement exclus des petites sauteries mondaines du couple principal du film, et Ève rejette ses origines modestes qui lui rappellent sa mère (géniale Martine Schambacher), tout en considérant la pauvreté de Jonas comme un repoussoir. Bref, à mi-chemin entre comédie noire, drame intime et thriller psychologique, LES APPARENCES est un film qui cache bien son jeu et qui permet à Karin Viard et Benjamin Biolay de confirmer qu’ils peuvent naviguer d’un genre à l’autre avec une aisance folle.