Invasion (Apple TV+) : une guerre des mondes à échelle humaine
Renouvelée pour une deuxième saison, cette relecture du scénario catastrophe imaginé par H. G. Wells en 1898 se distingue des habituels blockbusters du genre en donnant la priorité aux drames intimes de ses personnages. Un parti-pris anti-spectaculaire qui permet à Invasion de confirmer qu’Apple TV+ est le nouveau roi des grandes séries de science-fiction.
Ce n’est pas parce que Steven Spielberg a sorti en 2005 l’adaptation ultime de La Guerre des Mondes que le chef-d’œuvre de H. G. Wells ne peut pas continuer de donner des déclinaisons intéressantes. Après la Création Originale CANAL+ achevée à l'automne dernier, voilà qu’une autre série adapte à sa manière l’idée indémodable de l’invasion extraterrestre.
Les deux créateurs d’Invasion – Simon Kinberg et David Weil – le reconnaissent volontiers : ils sont partis du roman de Wells et de son célèbre canular radio de 1938 pour imaginer leur propre version de la conquête de la Terre par des aliens. Une version qui fait le pari de multiplier les points de vue, puisque l’intrigue d’Invasion se divise entre plusieurs personnages évoluant sur quatre continents différents.
Il y a une famille américaine d’origine syrienne (menée par l’actrice franco-iranienne Golshifteh Farahani, vue dans la série VTC sur CANAL+) au bord de l’explosion en raison de l’infidélité du mari, un enfant mancunien épileptique qui se fait harceler à l’école (Billy Barratt), un soldat engagé en Afghanistan (Shamier Anderson de Wynonna Earp), et une opératrice de l’agence spatiale japonaise (Shiori Kutsuna, excellente) dont le grand amour est une astronaute qui part à bord de l’ISS. Et on n’oublie pas ce bon vieux Sam Neill (Jurassic Park) qui vient faire coucou en shérif de l’Oklahoma proche de la retraite et guettant les signes divins.
Ces personnages très divers – en tout cas beaucoup plus que dans les blockbusters hollywoodiens classiques sur le même sujet – sont percutés plus ou moins tragiquement par les événements mystérieux qui se multiplient sur la planète, sans pouvoir identifier leur origine.
Invasion préfère en effet laisser la menace extraterrestre largement hors-champ, pour se concentrer sur ses conséquences sur les trajectoires personnelles de tout le monde. Autrement dit, la série prend le temps de développer ses personnages et de s’attarder sur leurs états d’âme, plutôt que de multiplier les fusillades stériles.
Un choix risqué mais payant, puisque filmer ce début d’apocalypse à hauteur humaine permet à Invasion d’installer une ambiance presque réaliste – dans la lignée de l’œuvre de Wells –, à la fois angoissante et contemplative. On peut donc s’identifier à ces personnages très faillibles, même si comme dans la plupart des fictions du genre, ils ne sont pas si ordinaires que cela.
La lenteur assumée du rythme narratif permet aussi de mieux apprécier le luxe des décors déployés – budget de la série : 200 millions de dollars –, éclairés et filmés avec le savoir-faire habituel d’Apple TV+ en matière de science-fiction adulte et haut de gamme. Et si vous vous posez la question : oui, la direction artistique des extraterrestres a été très bien pensée – puisqu’on finit quand même par les apercevoir.
Mais l’arme secrète d’Invasion, c’est sa musique composée par la star allemande du classique, Max Richter. Le compositeur a imaginé une bande originale orchestrale dans la droite ligne de celle de The Leftovers, une de ses partitions les plus mémorables, et une des séries les plus brillantes de l’histoire dans le registre du drame intime face à une catastrophe insensée (la disparition inexpliquée de 2% de l’humanité).
On souhaite à Invasion de s’en inspirer pour continuer à cultiver cet art de la science-fiction à combustion lente, quitte à désorienter le public avide d’explosions.
Invasion saison 1, en intégralité sur Apple TV+, disponible dans CANAL+.
Découvrez la saison 2 à partir du 23 août.