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L'AMIE PRODIGIEUSE : Comment la saga d'Elena Ferrante est devenue une pépite de série.

Posté par Philippe COUSSIN-GRUDZINSKI

Vous êtes absolument fan de L'Amie Prodigieuse, la saga d'Elena Ferrante traduite en 42 langues et vendue à 10 millions d'exemplaires ? Vous êtes volontairement passé à côté ? Son adaptation, coproduite par HBO et en exclusivité sur CANAL+, devrait mettre tout le monde d'accord : c'est une pépite de série comme on les adore.  

 

L'intrigue s'ouvre sur la dernière année d'école élémentaire de Lila et Elena. Toutes deux issues d'un milieu ultra modeste, aucune ne peut vraiment songer à continuer l'école, à aller au collège, à faire l'offense de se cultiver alors que les parents et tous les frères et soeurs triment. Et pourtant, elles sont douées. Chacune d'une façon différente, on les regarde grandir, puis, on l'espère, s'envoler, et quitter ce quasi huis clos que constitue leur quartier, composé de quelques immeubles gris blancs à quatre étages, qui les enferment, qui les coupent du reste du monde, au point que Lila dit à Elena : "Je savais bien qu'il y avait des voitures, des trains, des camions, mais je n'ai jamais demandé à la maîtresse où ils allaient." Au point qu'aller voir la mer, alors qu'elle n'est qu'à quelques kilomètres, constitue une aventure en soi. Quand Elena dit à Lila : "Demain, on ira voir la mer. Il parait qu'elle scintille. Un spectacle", on bascule complètement, et on ne leur souhaite qu'une chose : tout plaquer, enfin. 

 

Ca sera loin d'être évident. Dans L'Amie Prodigieuse, tout se joue en public. Ces quelques immeubles gris et blancs constituent une cour, une vraie scène de théâtre populaire où tout est observé, commenté, disséqué. Tout se sait. Au point que les deux petites filles sont obligées de cacher l'achat d'un nouveau livre, qui pourrait paraitre suspect. Ce qui est formidablement montré, c'est combien il est difficile de sortir du monde auquel on était a priori destiné. Avec un courage fou, une envie, et pas mal de malice. Jusqu'à se casser les dents. Jusqu'à se faire littéralement balancer par la fenêtre par son propre père qui ne veut pas entendre parler d'études. Entourées par la violence, les règlements de compte, les coups et les morts, les deux petites filles ne s'en laissent pas compter et tracent le sillage jouissif de leurs choix, de leurs destins, de leurs vies. Avec nous. 

 

Si l'on croit autant à leurs histoires, si on s'attache autant à observer leur talent éclore, c'est grâce au réalisateur, Saverio Constanzo, choisi par Elena Ferrante elle-même, grâce à cette photographie si particulière, à la fois grise et solaire, grâce au rythme, parfaitement calibré entre action et contemplation, mais encore plus grâce aux deux actrices qui incarnent nos deux écolières : Elisa del Genio et Ludovica Nasti, touchantes, à la fois pleines de rage et de grâce dans leurs uniformes d'écolières si poussiéreux. Elles paraissent naturellement complices, sans surjouer, à la fois fragiles et en même temps déjà si loin de l'enfance. 

 

Si bien qu'on a hâte de les voir grandir dans les prochains épisodes. De voir enfin ces immeubles blancs et gris à quatre étages s'éloigner les uns des autres pour leur laisser toute la respiration, la folie, bref, toute la vie qu'elles méritent. Quitte à la passer à regarder le spectacle de la mer qui scintille. Parce que c'est beau, le spectacle de la mer qui scintille, n'est-ce pas ?