Aller au contenu principalAller à la recherche

Daaaaaalí !, le meilleur film de Quentin Dupieux depuis longtemps

Posté par Alexis Lebrun le 18 novembre 2024

Après le triomphe de Yannick (2023), le réalisateur le plus hyperactif du cinéma français a décidé de s’attaquer à l’icône du surréalisme. Un pari risqué mais gagnant : Daaaaaalí ! est sans aucun doute l’un des films les plus drôles et brillants de la carrière de Quentin Dupieux.

Tout sauf un biopic (et c’est tant mieux)

Sur le papier, la rencontre entre Salvador Dalí et un réalisateur considéré (un peu abusivement certes) comme le roi de l’absurde ressemble à une évidence. Mais comment raconter un artiste aussi insaisissable en à peine plus d’une heure ? Peut-être d’abord en évitant complètement la forme conventionnelle du biopic. Avec DAAAAAALI ! (2024), Quentin Dupieux ne recrée pas la vie de Dalí mais son esprit surréaliste, avec un film désopilant qui s’amuse beaucoup de son image publique totalement mégalo.

On en veut pour preuve la trame (toute relative) du scénario, qui suit Judith, une journaliste un peu trop gentille qui se fait marcher dessus (Anaïs Demoustier est géniale de candeur) et qui a bien du mal à obtenir une interview de l’artiste espagnol, spécialiste de la dérobade.

Contempteur réputé d’un certain cinéma-business, évoqué ici par le producteur ignoble (Romain Duris) de Judith, Quentin Dupieux n’hésite pas non plus à se moquer de l’ego surdimensionné de Dalí – et par extension tous les artistes à qui on laisse passer tout et n’importe quoi en raison de leur génie supposé –, obsédé par exemple par la taille des caméras « GIGANTESQUES » qui doivent le filmer…

À chaque acteur son Dalí

Pour autant, DAAAAAALI ! n’est évidemment pas une charge mais un hommage. À une œuvre d’abord, à qui Dupieux fait d’innombrables références, notamment UN CHIEN ANDALOU (1929), le manifeste surréaliste de Luis Buñuel que Dalí a coécrit. Hommage au personnage aussi : devant la caméra de Dupieux, l’artiste espagnol est un grand enfant terriblement immature certes, mais aussi très inquiet du temps qui passe et de l’imminence de sa propre mort.

Cette angoisse sourde est illustrée par la présence dans le film d’un Dalí âgé joué par Didier Flamand, car il faut rappeler qu’il n’y a pas un mais six interprètes de l’artiste dans le film de Quentin Dupieux. Tous apportent leur propre vision du personnage, mais Edouard Baer et Jonathan Cohen se distinguent des autres (Gilles Lellouche, Pio Marmaï et Boris Gillot) en étant irrésistiblement drôles, quitte à en faire des caisses avec l’accent espagnol.

Un long-métrage déconstruit

Mais il faut surtout saluer le talent de Quentin Dupieux, qui signe avec DAAAAAALI ! un objet formellement fascinant, déconstruisant la forme même du long-métrage.

À l’image de Dalí lui-même, le réalisateur de YANNICK joue avec les transitions, les points de vue, l’espace et le temps, en mélangeant par exemple ses acteurs dans une même scène, scène qui peut se répéter ou se prolonger indéfiniment, comme ce rêve aussi interminable que désarmant de banalité, raconté lors d’un dîner par un religieux tellement obséquieux qu’il en devient hilarant.

Autrement dit, DAAAAAALI ! est à la fois le film le plus ambitieux de Quentin Dupieux, et le plus drôle avec les indépassables STEAK (2007) et LE DAIM (2019). Dalí l’aurait sans doute détesté, et c’est exactement pour cette raison qu’il faut le voir.

DAAAAAALI !, disponible sur CANAL+.