Le monde et sa propriété

La notion de propriété, dont l'un des grands théoriciens fut John Locke, est rarement questionnée. Pourtant, chaque société en produit sa définition. En France, ayant constitué l'un des piliers des Lumières, elle garde une dimension sacrée. En Afrique, elle établit un lien entre l'individu et un collectif intertemporel. Mais quelle que soit sa définition, n'implique-t-elle pas toujours de la violence ?

Chaque individu est-il propriétaire de son corps ? Si les juristes chrétiens répondent par la négative, estimant qu'on doit son corps à Dieu, donc qu'il est digne de respect, les libertariens le conçoivent comme un capital semblable à tout autre, susceptible d'être commercialisé. En réalité, les sociétés imposent des limites : on peut donner un organe mais pas le monnayer, louer le corps mais pas le vendre.

Dès le droit romain, les juristes ont conçu l'idée d'une propriété de droits immatériels. Le XXe siècle n'aura de cesse de justifier les copyrights et les brevets dans un processus de marchandisation toujours plus prédateur. L'appropriation du vivant n'en constitue que la suite logique. Aujourd'hui, les multinationales du numérique amassent des fortunes en s'appropriant les données de leurs utilisateurs.

Tous les peuples n'ont pas le même rapport à la propriété. Pour certains, elle se pense en harmonie avec la nature, pour d'autres, comme une domination. Certains accusent la Bible d'être responsable de la crise écologique. Aujourd'hui, la théorie des biens communs renvoie à des formes précapitalistes de propriété. En parallèle, des militants se battent pour reconnaître un droit de propriété à la nature.