Comment Django réinvente les personnages féminins du western
Pendant longtemps, elles ont le plus souvent été reléguées au second plan dans ce genre masculin par essence. Mais comme d'autres films et séries ces dernières années, la nouvelle Création Originale CANAL+ met en première ligne de son intrigue des héroïnes qui cassent les codes du western pour mieux le renouveler.
Pour le célèbre critique de cinéma André Bazin, en préface de Le western ou le cinéma américain par excellence (Jean-Louis Rieupeyrout, 1953), il y a neuf grands archétypes dans le western. L'un d'eux est celui d'une jeune fille pleine de pureté, forcément vierge, douce et attentionnée, qui correspond à la récompense du héros à la fin du film, lorsqu'il peut l'épouser après avoir montré qu'il en était digne.
Dans Django, ce stéréotype est subverti par Sarah, une orpheline au visage adolescent qui est sur le point d'épouser John Ellis, le patron de la ville fictive de La Nouvelle-Babylone. Mais en réalité, ce mariage est une formalité expédiée en deux épisodes : Sarah n'est ni un prix ni une demoiselle en détresse comme le western les affectionnait tant, même si sa famille a été trucidée lorsqu'elle était jeune.
Avec sa coupe à la garçonne, c'est une femme indépendante et une tireuse de grand talent, qui a appris à manier le colt avec son père Django avant qu'ils ne soient séparés par le massacre familial évoqué. Et lorsque ce dernier la retrouve après avoir passé des années à la chercher, c'est elle qui dicte les règles à son père, dont elle est affranchie depuis longtemps. Handicapée par sa jambe boiteuse, Sarah est enfin une leadeuse respectée de la population de La Nouvelle-Babylone, une ville utopique égalitaire construite en opposition aux valeurs patriarcales défendues par l'antagoniste de la série.
Dans la vision traditionnelle du western, les femmes ne peuvent pas être les grandes méchantes de l'histoire. Elles sont forcément innocentes et pleines de vertu, tandis que les hommes ont grosso modo le monopole de la violence et du mal.
Rien de tout cela dans Django, où la menace ultime est une sorte de fanatique de Dieu obsédée par l'idée de détruire La Nouvelle-Babylone, un endroit qu'elle considère comme totalement impur. Mère célibataire, Elizabeth dirige avec une poigne de fer la ville voisine d'Elmdale, où continue de s'appliquer le programme des confédérés – la série prend place sept ans après la fin de la guerre de Sécession. Elle croit donc dur comme fer à la suprématie fantasmée des Blancs, à une stratification sociale inégalitaire et à une société patriarcale où les femmes restent bien sagement à leur place.
Ce n'est pourtant pas tout à fait le programme qu'elle s'applique à elle-même, puisqu'Elizabeth se voit comme une sorte de guerrière divine qui a pour mission d'exterminer tous les pécheurs du coin. Pour ce faire, elle n'hésite pas à jouer sur la confusion des genres, en se faisant passer pour un homme. Vêtue de noir de la tête aux pieds, elle cache le mélange de finesse et de dureté de son visage derrière un foulard et des petites lunettes rondes qui ne l'empêchent pas de manipuler elle aussi le colt comme une version féminine très sombre de Lucky Luke.
Les livres d'Histoire le mentionnent rarement, mais le Far West était une période de subversion des normes de genre. La tenue traditionnelle du cowboy est la même que celle de la cowgirl, et le personnage déjà mentionné d'Elizabeth en tire profit, comme le faisaient surtout des femmes à cette époque.
Mais Django va plus loin, en mettant en scène un personnage d'héroïne transgenre extrêmement cool vivant à La Nouvelle-Babylone, fine connaisseuse des armes à feu, et incarnée par l'actrice britannique et philosophe Abigail Thorn, qui a fait son coming-out de femme transgenre en janvier 2021. On espère que d'autres westerns suivront l'exemple de Django et feront de la place à ces personnages oubliés par le genre pendant des décennies.
Django, en ce moment sur CANAL+ avec 2 nouveaux épisodes chaque lundi.