Oppenheimer, l’apogée de la carrière de Christopher Nolan
Film phénomène de l’année de 2023, le premier biopic du réalisateur le plus populaire de notre époque lui a permis d’obtenir enfin la consécration aux derniers Oscars. Et c’est tout sauf un hasard, car Oppenheimer est à la fois l’un des films les plus accessibles et ambitieux de Christopher Nolan.
Est-ce un symptôme de la crise de la cinquantaine ? Après avoir réalisé avec TENET (2020) un de ses films les plus fous – ce qui n’est pas rien au regard de sa filmographie –, Christopher Nolan a décidé de s’essayer à son premier biopic.
Fasciné de longue date par Robert Oppenheimer, qu’il considère comme le personnage le plus important de l’Histoire, Nolan s’est donc attaqué à un nouveau projet démesuré : adapter la biographie du père de la bombe nucléaire (ROBERT OPPENHEIMER : TRIOMPHE ET TRAGÉDIE D'UN GÉNIE), sur laquelle plusieurs réalisateurs de renom ont dû s’avouer vaincus avant lui.
Mais Nolan n’est pas du genre à reculer, et après avoir quitté son studio historique pour cause de divergeances sur l'exploitation de TENET (Warner à la fin de l’année 2020, face à l’ampleur de la pandémie, avait décidé de diffuser ses productions sur sa plateforme de vidéo à la demande, HBO Max, en même temps que leur sortie en salle) et imposé ses conditions à Universal, il a réuni 100 millions de dollars et un casting de rêve (Cillian Murphy, Emily Blunt, Matt Damon, Florence Pugh…) pour raconter la naissance de la première bombe nucléaire et les tourments de son géniteur, physicien brillant mais directement responsable des bombardements atomiques de Nagasaki et Hiroshima, et qui restera hanté toute sa vie par le pouvoir destructeur de sa création – Cillian Murphy est habité par le rôle.
Et comme Nolan ne fait rien comme les autres, il a aussi décidé de faire exploser les conventions du biopic, en éclatant son récit avec une narration non linéaire qui alterne constamment entre trois périodes distinctes : la course folle pour obtenir la bombe atomique avant les nazis (les années 1940), une audition de sécurité pendant laquelle Oppenheimer est mis sur le grill pour ses amitiés communistes supposées (1954) en pleine chasse aux sorcières du Maccarthysme, et une audience devant le Sénat de Lewis Strauss (joué par un Robert Downey Jr. transfiguré), personnage trouble qui a joué un rôle décisif dans la vie d’Oppenheimer (1959).
Autant dire que comme toujours chez Nolan, OPPENHEIMER est un film très dense, même si contrairement à la plupart de ses prédécesseurs, il se distingue surtout par l’abondance de ses dialogues, qui permettent de saisir un peu mieux la folie politique et guerrière d’une époque – mais aussi le processus de fusion nucléaire, représenté à l’écran par des visualisations réalisées sans effets spéciaux numériques.
Eh oui, OPPENHEIMER pousse à son paroxysme la passion de Nolan pour les effets spéciaux pratiques. Le réalisateur a donc réellement fait exploser une bombe pour reconstituer l’essai nucléaire de Trinity à l’été 1945, ce qui donne une séquence (par ailleurs muette) à couper le souffle.
Visuellement étourdissant – les séquences IMAX en pellicule noir et blanc sont particulièrement réussies –, OPPENHEIMER pose aussi des questions éthiques qui résonnent tristement avec notre époque, et Christopher Nolan prouve une nouvelle fois avec ce film qu’il est peut-être le seul réalisateur de « blockbusters d’auteur » à pouvoir réconcilier cinéphiles et grand public. C’est peut-être aussi pour ce tour de force qu’il a été enfin récompensé par les Oscars (7 Oscars dont meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur, meilleur acteur dans un 2nd rôle).