DARK WATERS, retour sur un scandale sanitaire mondial
Avec DARK WATERS, Todd Haynes relate le combat de Robert Bilott face à la société DuPont, un géant de l'industrie chimique qui empoisonne le monde. Ainsi le réalisateur américain, plutôt habitué aux mélodrames ou aux histoires de pop stars, livre une enquête passionnante sur un scandale écologique de grande envergure.
DARK WATERS (Todd Haynes, 2019) raconte le combat acharné de l'avocat Robert Bilott (interprété par Mark Ruffalo). Quand celui-ci découvre que la campagne de son enfance est empoisonnée par une usine du groupe chimique DuPont (à cause des méfaits du C8, dérivé du fluor utilisé dans le revêtement des poêles en Teflon), il décide de poursuivre le géant de l'industrie. Surtout que la substance chimique en question, liée à six maladies mortelles, concerne le monde entier...
Jusqu'ici Todd Haynes, le metteur en scène de DARK WATERS, était connu pour ses films pop (VELVET GOLDMINE en 1997, I'M NOT THERE en 2008) ou en tant que réalisateur de mélodrames dans la droite lignée de Douglas Sirk. Avec LOIN DU PARADIS (2003), Haynes traitait du racisme et de la différence de classes à travers une histoire d'amour. Avec CAROL (2016), il dénonçait l'homophobie de l'Amérique conservatrice des années cinquante, en narrant une romance entre deux femmes. Avec DARK WATERS, c'est la première fois que le réalisateur s'aventure dans le genre judiciaire, ouvertement militant.
DARK WATERS appartient à ce genre de films s'inspirant de scandales réels. Pour le dire autrement, nous sommes dans un cinéma de lanceurs d'alerte. Au centre, un personnage se bat contre une grande puissance, au péril de sa vie. On pense – pour citer un film récent – à LA FILLE DE BREST (Emmanuelle Bercot, 2016). Dans ce long-métrage, « la fille » du titre est une pneumologue qui dénonce la catastrophe causée par la prise de benfluorex, commercialisé sous le nom de Mediator par les laboratoires Servier.
En terme de style, le réalisateur ne cache pas son admiration pour l'efficacité des films politico-médiatiques signés Alan J. Pakula. LES HOMMES DU PRESIDENT (1976) est un exemple parlant de ce type de cinéma : à travers les personnages de journalistes du film, le spectateur peut s'infiltrer dans les hautes sphères du gouvernement. Tout l'intérêt de ces longs-métrages réside dans le fait de nous montrer ce que l'on nous cache, en plus de s'attaquer à « l'inattaquable ». Et, dans DARK WATERS comme chez Pakula, nous nous trouvons à la croisée des genres, entre le réel et la fiction, entre le reportage d'investigation et le thriller palpitant.
DARK WATERS renvoie surtout à ERIN BROCKOVICH (Steven Soderbergh, 2000), film dans lequel Julia Roberts joue le rôle de la militante écologiste du même nom. Et nous parlons là d'un grand nom. Au début des années quatre-vingt-dix, Brockovich s'est engagée contre Pacific Gas and Electric Company, une puissante compagnie californienne fournisseuse de gaz et d’électricité, responsable de la pollution des eaux. Citons encore THE INFORMANT (réalisé par le même Steven Soderbergh et sorti en 2009), soit l'histoire vraie d'un homme infiltré par le FBI pour enquêter sur Archer Daniels Midland, une grande société d'agro-alimentaire américaine.
En fait, qu'il s'agisse d'Erin Brockovich ou de Robert Bliott dans DARK WATERS, nous avons là des personnages héroïques, tels que l'on peut en voir au cinéma. La différence, c'est qu'ils existent vraiment. Et ces films, inspirés de leurs combats, se révèlent bien sûr d'utilité publique.