Ce chef-d’œuvre romantique de Michel Gondry a 20 ans
Depuis sa sortie en 2004, il est devenu LE film de rupture culte de plusieurs générations de cœurs meurtris. Méditation dévastatrice sur le souvenir des relations passées, Eternal Sunshine of the Spotless Mind est un objet filmique aussi miraculeux qu’intemporel : vingt ans après, personne ne l’a oublié.
"Everybody's Gotta Learn Sometime"… Dès les premières notes de la reprise des Korgis par Beck retentissent, il est impossible d’y échapper : on pleure à chaudes larmes en pensant à la scène finale d’ETERNAL SUNSHINE OF THE SPOTLESS MIND, le deuxième long-métrage de Michel Gondry.
Ecrit par le génial Charlie Kaufman – déjà auteur du cultissime DANS LA PEAU DE JOHN MALKOVICH (Spike Jonze, 1999) –, son scénario imagine un monde où l’on peut faire appel à une société pour effacer absolument toute la mémoire d’une relation amoureuse terminée.
C’est ce que fait Joel (Jim Carrey), lorsqu’il apprend que Clementine (Kate Winslet) a pris cette décision radicale. Problème : lorsque le processus d’effacement commence, Joel revit tous les souvenirs exquis de ses années passées avec son ex, et assiste avec un mélange d’impuissance et d’effroi à leur disparition contre son gré.
Même s’il a changé d’avis, il ne peut rien faire, car il est inconscient pendant l’opération. À moins qu’il ne réussisse à manipuler ses souvenirs pour « cacher » Clementine dans des recoins inaccessibles de son cerveau…
Ce labyrinthe mental permet à Michel Gondry de déployer toute sa créativité visuelle – avec peu ou pas d’effets spéciaux numériques – dans des séquences aussi surréalistes que bouleversantes, où un Jim Carrey et une Kate Winslet tous les deux à contremploi sont en état de grâce. Lui est très réservé et réussit la prouesse de faire oublier tous ses rôles comiques, tandis qu’elle est fantastique d’extraversion et de talent comique.
Ses multiples teintures de cheveux dans le film sont entrées au panthéon de la pop culture, ce qui ne l’empêche pas de déjouer le cliché de la Manic Pixie Dream Girl avant même qu’il ne soit popularisé. La complicité de ce duo improbable ferait presque oublier que les seconds rôles sont joués par les non moins formidables Kirsten Dunst, Mark Ruffalo et Elijah Wood – ce dernier dans un rôle de stalker particulièrement flippant.
Et si ETERNAL SUNSHINE OF THE SPOTLESS MIND est un film techniquement parfait – de la photo au montage en passant par la musique de Jon Brion –, c’est surtout la force de son scénario – l’Oscar le plus mérité de l’histoire – qui en fait un classique si indémodable aujourd’hui.
Sa construction non-linéaire retourne autant le cerveau que le cœur – le twist de la scène pré-générique est ravageur –, et Charlie Kaufman a eu la très bonne idée de s’éloigner de la science-fiction pure pour se concentrer sur des personnages auxquels tout le monde peut s’identifier.
Leur interrogation est universelle : l’important dans une relation est-il la destination, ou le voyage, aussi mouvementé et imparfait soit-il ? Vaut-il mieux se souvenir d’une relation – mauvais moments compris –, ou faire comme si elle n’avait jamais existé pour s’épargner la douleur et les regrets ?
ETERNAL SUNSHINE OF THE SPOTLESS MIND répond avec beaucoup de romantisme à ces questions, et la pertinence de son propos n’a fait que grandir depuis sa sortie, avec l’éclosion des réseaux sociaux et les enjeux posés par les souvenirs associés aux contenus publiés. C’est ce qu’on appelle un film visionnaire et on peut le dire un chef d'oeuvre intemporel.