Sex and the City est-elle vraiment une série féministe ?
Même si elle a engendré de très nombreuses héritières, la série pionnière de Darren Star continue de susciter d’intenses débats au sujet du regard qu’elle porte sur ses héroïnes. Alors, Sex and the City est-elle vraiment une alliée de la cause féministe, ou bien un agent infiltré du patriarcat ?
À première vue, le simple fait de poser la question peut sembler incongru. Sex and the City est une série dont les personnages principaux sont quatre femmes trentenaires qui profitent toutes des plaisirs du célibat à New York. Concrètement, Carrie, Charlotte, Miranda et Samantha ont tout de suite brisé les clichés sur la féminité, en incarnant des héroïnes qui jouissent d’une sexualité libérée comme les hommes – c’est d’ailleurs le thème du tout premier épisode.
Voilà quatre femmes indépendantes qui ne sont pas ramenées à la maternité, qui occupent toutes des professions enviées (journaliste, avocate, galeriste, communicante) et qui vivent la belle vie en enchaînant les cocktails, les sorties et bien sûr les conquêtes dans les lieux les plus courus de Manhattan, le tout avec évidemment des tenues affolantes qui coûtent un bras. Bref, Sex and the City semble mettre en scène des héroïnes libres qui ne dépendent pas des hommes, et qui présentent une nouvelle vision, hédoniste et optimiste, du célibat féminin.
Cerise sur le gâteau, la série célèbre l’amitié féminine comme jamais, en consacrant une large part des épisodes aux discussions animées entre ces quatre copines qui se disent tout et font toujours preuve de sororité, à une époque où ce concept était peu connu Mieux encore, ces héroïnes parlent librement de sexualité entre elles, en abordant des pratiques longtemps restées taboues – pour les femmes – avec une liberté de ton totale.
Oui mais voilà, Sex and the City n’était pas une série parfaite. D’abord, son féminisme était évidemment très discriminant : les héroïnes sont toutes blanches, sveltes – fidèles aux canons de beauté occidentaux – et à l’aise financièrement, ce qui est d’autant plus absurde dans une ville cosmopolite comme New York. Ensuite, on ne peut pas non plus occulter le fait que malgré leur liberté, Carrie et les autres ne cherchent pas du tout à remettre en cause le patriarcat.
Elles sont majoritairement en quête de l’amour, et elles finiront d’ailleurs toutes en couple, avec un mariage et un happy ending très classiques. Difficile aussi de passer sur la représentation très hétéronormée de la sexualité et les blagues datées sur la bisexualité, les lesbiennes et la transidentité. Enfin, on ne peut que juger durement l’obsession consumériste de la série – qui ne fera que s’aggraver à mesure que son influence grandira dans le milieu de la mode.
Certes, le style vestimentaire très distinctif de chaque héroïne a toujours été source d’empowerment pour elles, mais l’indigestion n’était jamais loin. Néanmoins, il faut reconnaître que Sex and the City a incontestablement constitué un tournant féministe sur le petit écran. Les téléspectatrices ont pu s’identifier à des modèles féminins totalement nouveaux.
Ces quatre héroïnes ont normalisé les questionnements sur le désir et la sexualité des femmes, ouvrant la voie à un tas de nouvelles séries féministes. Aujourd’hui, les avancées de Sex and the City peuvent donc sembler évidentes voire contrastées, mais il faut toujours se remettre dans le contexte de l’époque. Et lors de l’arrivée de la série en 1998, il s’agissait bien d’une révolution féministe. Incomplète et critiquable bien sûr, mais féministe quand même.
Sex and the City saisons 1 à 6 sur Max, disponible avec CANAL+.