Ce soir à la tv : Napoléon, le grand retour de Ridley Scott
Fasciné de longue date par le premier « empereur des Français », le réalisateur britannique brosse un portrait au vitriol de Napoléon dans ce blockbuster aux scènes de batailles spectaculaires.
Combien de fois la vie de Bonaparte a-t-elle été adaptée à l’écran ? Selon l’historien spécialisé Antoine de Baecque, la réponse est plus de 1000, ce qui en fait évidemment une star du cinéma et de la télévision parmi les figures historiques célèbres. Autant dire que lorsque l’on s’attaque à un énième biopic sur Napoléon, il n’est pas évident de se distinguer.
Heureusement pour lui, Ridley Scott avait une idée claire en tête au moment d’entamer ce projet d’envergure : raconter Napoléon par le prisme de sa relation mouvementée avec Joséphine de Beauharnais, transformée ici en héroïne féministe comme le réalisateur de THE LAST DUEL (2021) les affectionne, et incarnée par l’excellente Vanessa Kirby (PIECES OF A WOMAN, 2020).
Autrement dit, ce NAPOLÉON (2023) met en rapport le génie militaire reconnu de Bonaparte avec sa nullité moins réputée dans le domaine de l’intime, ce qui offre in fine un regard critique très britannique sur l’Empereur qui s’était vite mis toute l’Europe à dos par son ambition démesurée et ses conquêtes sanguinaires.
Ridley Scott se concentre d’ailleurs vraiment sur les grandes étapes de la carrière militaire de Napoléon, du siège de Toulon en 1793 à la défaite fatale de Waterloo en 1815, reconstituant pas moins de six batailles napoléoniennes avec des moyens démesurés mis utilement à profit.
Il faut dire que depuis son brillant premier long-métrage historique (LES DUELLISTES, 1977), Ridley Scott est revenu plusieurs fois au genre avec plus ou moins de succès, mais il est rarement manchot lorsqu’il s’agit de filmer des scènes dantesques avec des centaines de figurants costumés. Avec sa glace meurtrière, la boucherie d’Austerlitz hante ici particulièrement l’esprit par l’absurdité de sa violence, une constante que Ridley Scott ne manque jamais de souligner tout au long de ce film très sanguinolent.
Il n’épargne pas non plus Napoléon dans sa chambre à coucher, où un Joaquin Phoenix comme toujours très habité par son rôle en fait une sorte de grand enfant immature aussi pleurnichard que jaloux, car transi d’amour pour une femme libre insaisissable qui le trompe en son absence et ne peut lui donner d’héritier pour le trône d’Empereur.
Ce Napoléon est finalement un individu assez pathétique dont le déclin militaire commencerait par une disgrâce amoureuse, une théorie difficile à prouver mais qui a le mérite de rendre le film de Ridley Scott hautement divertissant, d’autant que si les décors et les costumes sont particulièrement soignés – ils ont été nommés aux Oscars en compagnie des effets visuels –, le scénario prend beaucoup de libertés avec la véracité historique.
Mais peu importe si Napoléon n’a jamais tiré sur les pyramides égyptiennes : cette scène hallucinante n’est qu’un des nombreux tableaux mis en scène avec un certain panache par Ridley Scott – le couronnement de 1804 et l’incendie de Moscou sont aussi particulièrement impressionnants –, qui ne craint jamais non plus de trancher dans le lard au montage, multipliant les ellipses pour limiter l’ensemble à « seulement » 2h40, en attendant une version longue de plus de 4 heures pour Apple TV+.
À condition que Ridley Scott trouve le temps de la réaliser : à 86 ans, le réalisateur britannique enchaîne toujours les tournages à un rythme effréné, et il devrait à nouveau créer l’événement cette année avec GLADIATOR 2, un quart de siècle après son film culte avec Joaquin Phoenix (déjà) en Empereur Commode.