La Fièvre, une plongée saisissante dans une France au bord de la guerre civile
Quatre années après la conclusion tonitruante de Baron Noir, le scénariste Eric Benzekri est de retour avec une nouvelle Création Originale on ne peut plus politique. Avec La Fièvre, il ausculte les fractures d’une société française prête à exploser à travers le prisme du football et de la communication de crise. Et c’est aussi passionnant qu'effrayant.
Les plus jeunes ne s’en souviennent pas, mais en juillet 2006, un coup de boule tristement célèbre avait enflammé la France, celui de Zinédine Zidane contre Marco Materazzi en finale de la Coupe du monde. Il est difficile d’imaginer ce que cet incident aurait déclenché à l’ère des réseaux sociaux, mais Eric Benzekri a en quelque sorte relevé le défi en imaginant un événement similaire comme point de départ de sa nouvelle série, La Fièvre.
On y voit en effet une star fictive du championnat de France – Fodé Thiam, joué par Alassane Diong de Tirailleurs – asséner un coup de tête à son entraîneur en pleine cérémonie récompensant les meilleurs joueurs de la saison. Ce n’est pas tout : le joueur en question l’insulte également de « sale toubab », et comme l’incident est évidemment filmé et diffusé, il n’en fallait pas plus pour que les réseaux sociaux s’enflamment.
Dans une France à fleur de peau où l’extrême-droite gagne inexorablement du terrain, une comédienne de stand-up ouvertement facho – incarnée par une Ana Girardot glaçante – saute sur l’occasion pour alimenter son discours raciste, tandis qu’une de ses ancienne collègue Sam – Nina Meurisse, excellente l’an dernier dans Le Ravissement et Les Algues vertes – tente tant bien que mal d’empêcher que la situation ne dégénère en travaillant comme « spin doctor » de communication de crise pour le joueur et son club – dont le président est incarné par Benjamin Biolay, fan de foot notoire.
Cette héroïne brillante mais tourmentée voit bien que son pays est au bord de la guerre civile et qu’une étincelle peut suffire à tout embraser.
Considéré comme un observateur visionnaire de la vie politique française depuis Baron Noir, Eric Benzekri – qui retrouve ici le réalisateur Ziad Doueiri – signe une nouvelle fois une série déstabilisante par son réalisme et par l’acuité du regard qu’elle porte sur une société déchirée par la violence des débats sur les réseaux sociaux et des clivages de plus en plus béants entre des individus qui ne se supportent plus, à moins que le foot ne soit le dernier moyen de rassembler toutes les strates de la société et de sauver le fameux « vivre-ensemble ».
À quelques mois de l’Euro de football où l’Equipe de France sera très attendue, il vaut mieux espérer que le scénario imaginé par le créateur de La Fièvre ne se réalise pas.
La Fièvre épisodes 1 à 6, diffusés à partir du 18 mars sur CANAL+.