Comment Shōgun déconstruit le mythe du « sauveur blanc »
Deuxième adaptation sur le petit écran du célèbre roman éponyme de James Clavell, cette nouvelle série Disney+ se démarque clairement de sa prédécesseuse en optant pour un point de vue moins occidental et plus respectueux des traditions japonaises. Voici comment le Shōgun de 2024 a seppuku le vieux cliché narratif du « sauveur blanc».
Cela paraît difficile à imaginer aujourd’hui dans nos sociétés accros aux productions nippones, mais il y a quarante ans, la culture japonaise était encore tellement méconnue dans les pays occidentaux qu’elle était considérée comme « exotique ».
C’est sans doute ce qui explique pourquoi lorsque le roman à succès de James Clavell a été adapté pour la première fois à la télévision en 1980, il a été décidé de se concentrer sur le personnage de John Blackthorne, un marin anglais découvrant les us et coutumes de la société japonaise de 1600 après le naufrage de son navire.
Dans cette adaptation, les personnages japonais étaient relégués au second plan – au mépris du texte originel –, ne servant qu’à mettre en valeur le parcours du héros européen Blackthorne.
Et même si la série a été tournée au Japon avec un casting en partie japonais, les dialogues étaient majoritairement en anglais, et quand des personnages parlaient japonais, ils n’étaient généralement pas sous-titrés.
Autant dire que lorsque le public japonais a découvert cette adaptation, il n’a pas été enchanté de voir son pays caricaturé et servir de terrain de jeu à un personnage aux allures de « sauveur blanc » et représentant d’une civilisation européenne qui a une haute opinion d’elle-même.
Tout cela n’existe heureusement pas dans la nouvelle adaptation de Shōgun imaginée par Justin Marks (Top Gun : Maverick) et Rachel Kondo, scénariste américaine d’origine japonaise.
Ce duo est parti du principe que le Japon ne pouvait plus être traité comme un pays inconnu et a décidé de revenir aux fondamentaux du roman, en accordant aux personnages japonais une place aussi importante – si ce n’est plus – que celle occupée par John Blackthorne (Cosmo Jarvis).
Cette fois, Blackthorne n’est qu’un protagoniste parmi d’autres, dans une série où le seigneur de guerre Toranaga (Hiroyuki Sanada) et la traductrice Mariko (Anna Sawai) sont les forces motrices du récit. Signe des temps : le Shōgun de 2024 a été majoritairement tourné en japonais, et ces dialogues sont évidemment sous-titrés.
Et pour s’assurer de l’authenticité de la série, la production a embauché des spécialistes nippons à tous les postes – de l’écriture au tournage, notamment grâce à l’acteur Hiroyuki Sanada, qui est également producteur –, ce qui lui permet de respecter au maximum la réalité du Japon féodal.
En toute logique, cette nouvelle version a été très bien accueillie au Japon, comme dans le reste du monde d’ailleurs, où Shōgun est déjà comparée à Game of Thrones.
Shōgun épisodes 1 à 10 sur Disney+, disponible avec CANAL+.