Blue et Compagnie : que deviennent les amis imaginaires oubliés ?
Avec cette fable enchantée, John Krasinski nous ouvre les portes d'un monde parallèle aussi original qu'émouvant. Un film qui réinvente le genre du divertissement familial en nous plongeant dans l'univers mélancolique des amis imaginaires abandonnés, tout en abordant avec finesse les thèmes du deuil et de la résilience.
Le coup de génie de Blue et Compagnie réside dans son concept central : que deviennent les amis imaginaires une fois que les enfants grandissent ? Krasinski imagine un entre-deux monde aussi poétique qu'émouvant, une sorte de refuge hors du temps où ces créatures attendent patiemment leur seconde chance. C'est là qu'officie Calvin (Ryan Reynolds, étonnamment tout en retenue), véritable assistant social de l'imaginaire qui tente de reconnecter ces êtres délaissés avec de nouveaux enfants. Le film navigue avec élégance sur ce fil délicat, évitant les écueils du mélo pour toucher à quelque chose de plus profond sur notre rapport à l'enfance.
Le film excelle cependant dans sa façon de représenter ces amis imaginaires, chacun étant le reflet des besoins et des rêves de l'enfant qui l'a créé. Blue, l'imposante peluche violette au cœur tendre, côtoie Lewis, un ours en peluche vieillissant aux airs de grand-père bienveillant. On craque pour Funny, le tournesol facétieux, et cette adorable bulle anxieuse qui sautille nerveusement dans les couloirs. Cette galerie de personnages attachants n'est pas sans rappeler le traitement émotionnel virtuose de Vice-Versa de Pixar, transformant chaque créature en miroir des émotions enfantines. Blue et Compagnie parvient donc à dépasser son aspect cartoonesque pour créer un véritable cabinet de curiosités émotionnelles.
Pour Bea, incarnée par la géniale Cailey Fleming (déjà remarquée dans The Walking Dead), ce monde devient un espace thérapeutique vital. Face à un père (John Krasinski) qui se réfugie dans un humour parfois forcé pour masquer sa propre peur - lui qui a déjà vu sa femme emportée par la maladie - la jeune fille trouve dans ce royaume imaginaire un exutoire salvateur. Les scènes à l'hôpital s'illuminent particulièrement grâce à la présence du jeune Alan S. Kim (révélé en 2020 par Minari), délicieux dans le rôle d'un petit casse-cou plâtré cherchant désespérément des amis. La photographie de Janusz Kamiński sublime ces moments, baignant l'hôpital d'une lumière aussi douce que celle du monde des amis imaginaires, tandis que la partition sensible de Michael Giacchino (Là-Haut, Ratatouille…) nous guide avec délicatesse entre rires et larmes. À voir sans modération !
Blue et Compagnie, disponible sur CANAL+.